Ma pratique artistique s’articule autour de la fabrique et la transmission de récits et d’images. Elle se constitue de propositions d’expériences multi-média, souvent réunies au sein d’installations et d’environnements immersifs, dans lesquelles se rencontrent images imprimées, livres d’artistes, créations textiles et sonores. À l’aide de gestes allant de l’écriture au dessin, de la photographie argentique au glanage d’archives, de la conception de scénarios ou de l’écriture de montage, j’élabore des formes à partir de récits, qu’elles contiennent et délivrent.

Plusieurs principes et intérêts majeurs encadrent ma pratique. J’aspire à structurer mes gestes autour des notions de convivialité, forgée par Ivan Illich1, et d’écologie des pratiques2, telle qu’héritée des travaux d’Isabelle Stengers.

Aussi, les propositions que je façonne s’intéressent-elles aux notions de réversibilité et de légèreté d’intervention. Elles tentent de créer un rapport actif à celleux qui regardent, écoutent et arpentent, et témoignent d’un goût pour l’implication d’énergies collectives et de rencontres dans le processus créatif. Cette éthique de création intervient également dans mon attachement à mettre en œuvre des propositions généreuses, qui enveloppent le·la spectateur·rice dans un espace total, qui débordent de l’espace d’exposition, et dans mon intérêt pour les formes du multiples – estampes, livres et pièces radiophoniques – qui se propagent et existent en dehors du temps limité de l’exposition. J’inscris ma démarche esthétique globale dans une certaine politique du faire.

Aussi, mes travaux évoluent au sein d’un espace créatif poreux aux sciences humaines et politiques, à des formes de militances écoféministes radicales, ainsi qu’à la littérature dont sont nourries les propositions que je conçois, et dans lesquelles se retrouvent volontiers citations, réappropriations ou détournements. Je construis mon travail visuel, spatial, éditorial et sonore en mettant en application une approche critique des codes qui sous-tendent la création médiatique dominante, mise en œuvre dans l’élaboration de l’information ou de la fiction hégémonique contemporaine. J’explore des modes parallèles, expérimentaux, poétiques et politiques de production narrative et visuelle.

Ceux-ci peuvent impliquer la dilution du sujet, la dispersion des indices diégétiques, l’imbrication de récits entre eux, le collage comme outil de conception, la spéculation à partir du factuel, la mise en rapport du réel et du fictif ou le détournement d ‘outils de communication standards alors mis au service de formes ouvertes et ambiguës. Au sein des formes que je fabrique s’esquissent des relations multiples et denses entre image, espace, texte et spectateur·rices. Y sont convoquées – comme des motifs récurrents – le cataclysme et post-cataclysme, l’archéologie du futur, les phénomènes de point de rupture et de solitude dans une structure sociale atomisée, ainsi que des formes de mélancolies matérielles en cours et à venir, ou de re-création – malgré tout 3 – dans un monde abîmé et déclinant.

1 – Illich I., La convivialité, Paris, éd. du Seuil, coll. Essais, 1973
2 – Stengers I., Résister au désastre : dialogue avec Marin Schaffner, Marseille, éd. Wildproject, 2019
Stengers I., Une autre science est possible ! Paris, éd. la Découverte, 2017
3 – Didi-Huberman G., Survivance des lucioles, éd. de Minuit, Paris, 2009